J'ai bien tout lu Berlioz

Publié le par Mathieu

J’ai parlé avec Berlioz. On s’est raconté nos vies. Il m’a montré sa prose, je l’ai envoyé aux olives… J’ai parlé à Mendelssohn, le grand voyageur, il m’a montré ses violons. Je lui ai dit que je n’avais pas peur.

Un, deux, trois, quatre violons, et plus même, une vingtaine de quatre cordes, et plus encore avec les violoncelles et contrebasses.

J’ai vu un concert de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse. J’ai compris pourquoi la symphonie de Berlioz était fantastique.  En 1830, on l’a appelé comme ça, parce que les gens n’étaient pas prêts à entendre un morceau pareil, un ensemble de quatre mouvements, dont un assez connu «  La marche au supplice », comme si Berlioz nous racontait quelque chose.

Ca commence avec le concerto pour violon et orchestre de Félix Mendelssohn. Avec un soliste au violon, Renaud Capuçon. Tête de premier de la classe, coiffé comme Tom Cruise, dans certains de ses films, il arrive avec sa vie, son œuvre, son violon. Et vogue la galère, il part conquérir les flots. Le chef orchestre, le chef d’orchestre, la baguette à la main, fait vivre toute cette micro-société, d’une main de fer dans un gant de velours. Parce que le moindre faux mouvement, et c’est l’escalade. Alors on le suit, on part avec lui, voguent les violons, naviguent les flûtes, un violon, puis deux en même temps, tous les violons sauf le soliste, nargue tout le monde en radin, en perso, en celui-qui-ne-fait-pas-comme-tout-le-monde.

On se pose aussi toutes les questions du débutant, de l’amateur, du novice, du néophyte, de l’apprenti, du cadet, du candide, bref du profane… Comment tous ces types comme ça, pouvaient imaginer, créer, mettre en place, des morceaux de musique avec tant d’instruments, de personnes, de volontés ? C’est le génie. Et ce qui sépare le génie de la folie ne se mesure qu’à l’aune du succès.

Entracte. On passe de suite à des considérations plus matérielles entre la vente de pop-corn (oui oui) et les obligations naturelles. Car Monsieur Berlioz va nous tenir la tchatche pendant 55 minutes non-stop. Pas question de partir avant la fin, pas d’excuse, de vacances, de toilettes, de décès de grand-mère, même pas un mot des parents. On se ressasse la première partie et tout le rituel qui m’était inconnu. Le violon solo qui accorde l’orchestre, le soliste (invité de la soirée) au violon lui aussi qui ensuite apparaît, puis le chef, le dirigeant, l’homme à l’outil, celui qui voit, et que l’on suit, qui fait signe, qui orchestre, qui mène le tout à la baguette. Et puis la fin, avec les applaudissements. Le chef s’en va avec le soliste et puis on les rappelle. Puis ils repartent pour revenir, et se répètent jusqu’à ce que le public se lasse. Pour l’anecdote, le plus long rappel de l’histoire de la musique a duré 1h10 ; Ca vous fait 1h10 à applaudir. Autant vous dire que vos bras doivent suivre. Parce que un quart d’heure déjà, c’est long… Alors 1h10… faut reconnaître, c’est brutal.

Quand la symphonie fantastique commence, l’orchestre est au complet. Deux harpistes ont rejoint la communauté, ainsi que les cuivres et les percussions. Et c’est parti, les uns répondent aux autres au rythme haletant de la baguette. Voguent les violons, naviguent les flûtes, branle-bas de cuivres avant que les timbales ne résonnent. Il y a de tout pour faire un monde, et il faut de tout pour un orchestre. Et dans la salle profonde, un homme dirige d’une main de « Mestre ». Crescendo, decrescendo, on écoute, on frémit, on ressent, la folie musicale. Alors que les timbales brutales trimballent leur bruit au fin fond de l’océan, les sirènes harpistes nous enchantent de douceur, et nous sommes conviés à suivre leurs dix doigts frotter les cordes de l’instrument mythique, de l’instrument divin. C’est fort, c’est doux, c’est lent puis rapide. C’est la réponse à une question, une conversation à plusieurs dont Berlioz nous montre les ficelles pour que le problème soit résolu.

Et puis d’un coup, tout le monde part dans un enchaînement symphonique de quelques phrasées… C’est fini. On rallume. Salut l’artiste, les artistes, les habitants de la Communauté qui nous ont fait partager leur savoir-vivre.

L’émerveillement est le premier pas vers le respect. Je reviendrais.

 

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